C’est pour vous, mes chers petits-enfants que j’écris ce que nous avons vécu ensemble de manière détaillée, pour que vous en gardiez des souvenirs précis et puissiez dans le temps mesurer votre évolution au cours de ces années.

Clément tu as 13 ans, Axel : 10 ans et Louise 8 ans ½.

Pour les autres lecteurs, ce vécu paraitra peut-être banal ou permettra de se rendre compte de la vie au quotidien sur ces chemins. Je serais ravie s’il vous donnait l’envie de le réaliser aussi.

 

Samedi 3 juillet 21 : voyage de Claix à Toulouse

 

Bertrand amène ses garçons à la gare TGV de Valence. Ayant moins de 14 ans, ils sont encadrés par le service Junior et Cie de la SNCF.

Nous accueillons Clément et Axel à Toulouse à 15h 23, sommes surpris du nombre d’enfants accompagnés. Nous les imaginions seuls dans ce cas.

Dans la matinée j’ai pu, préparer les 5 premiers repas et les petits déjeuners.

 

Après un bon goûter, nous allons nous promener et pour eux, reprendre contact avec Toulouse.
 

En bas de chez nous, nous nous mêlons à un rassemblement de personnes mal entendantes. Une dizaine d’entre elles font de la musique avec des instruments à percussions. Surprenant pour des sourds ! Elles se calquent sur l’une d’elle qui mène le rythme. C’est très intéressant à regarder et à entendre. L’une d’elle se dirige vers nous et nous offre des bonbons. Elle est visiblement très touchée de notre intérêt.

 

Puis nous nous promenons vers le Bazacle, terrasse sur la Garonne.

 

Nous vérifions les contenus des sacs à dos, tout va très bien. Clément retrouve son bâton de bambou qu’il m’avait laissé l’an dernier. Ils reprennent possession de leur coquille St Jacques, de leur crédential, passeport du pèlerin, que je garde précieusement d’une année à l’autre. Cette année, d’ailleurs, Clément en a une nouvelle, la précédente étant totalement tamponnée par les gites des 3 années précédentes.

 

Nous allons nous coucher tôt pour être en forme le lendemain.

Dimanche 4 juillet 21 : de Malause à Auvillar – 9 km

C’est Lionel, le papa de Louise, qui nous emmène sur le lieu de départ. Ils arrivent à 7h et pour ne pas perdre de temps, nous les attendons en bas de l’immeuble

Les 3 cousins ne se sont pas vus depuis un an. Ils n’osent pas se faire la bise mais sitôt installés dans la voiture, on dirait qu’ils ne se sont jamais quittés. Ils jouent à Morpion, rient, parlent très fort. Ajoutés à la musique dans la voiture, nous retrouvons l’ambiance de l’équipe.

Nous allons d’abord au gîte de Lectoure où nous laissons les repas du lundi soir et pique-nique du mardi midi.

Puis à Auvillar, nous laissons notre repas du soir, le petit déjeuner du lundi matin et le pique-nique de lundi midi.

Les maîtres des lieux ont aimablement accepté de garder au frais nos repas en attendant notre arrivée.

En effet, les commerces sont fermés le dimanche et lundi. Ainsi tout sera prêt lorsque nous arriverons.

L’an dernier, nous avions arrêté notre périple à Moissac. En repartant de cette ville, notre étape serait trop longue pour un premier jour (21 km), surtout que nous commençons à marcher à 10h30. Aussi nous partons de Malause, ce qui nous permet une remise en jambe en douceur.

Le but, pour nous, n’est pas de faire le maximum de km, mais d’être ensemble et d’avoir du temps pour jouer dans la journée.

Le climat est frais, il a beaucoup plu la nuit précédente, nous avons la chance de ne pas démarrer sous la pluie.

Nous longeons le canal latéral à la Garonne, encore appelé entre 2 mers. En effet, en continuité du canal du Midi, il relie la Méditerranée à l’océan. Autrefois servant au commerce, le transport de fret a laissé place au tourisme.

Ses larges allées bitumées, bordés de beaux platanes nous assurent une marche facile et au sec.

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Lorsque les premières bottes de foin apparaissent, c’est une évidence que nous allons prendre notre premier repas là. Nous terminons toute la salade de la forêt de Lente (pomme de terre, carotte, haricots verts, tomates, œufs, thon, olives). Les garçons finissent les restes de Louise et de moi-même.

Clément a énormément grandi cette année, environ 15 cm. Aussi il tient à ce que les priorités changent en matière de portage d’eau. Nous boirons l’eau en partant de celle transportée par la plus petite (Louise) au plus grand (Clément) et non plus en fonction de l’âge, ce qui me soulage et le charge. Merci Clément, j’apprécie cette belle attention.

Puis les 3 cousins jouent sur les bottes. Clément imite le chasseur de mammouth, ce qui fait beaucoup rire Louise. Aussi toute la semaine le mammouth nous suivra très bruyamment !

Arrivés à 14h30, nous prenons possession de notre chambre de 4 lits. Après la douche et la petite lessive, nous allons nous promener dans Auvillar, en Tarn et Garonne, classé parmi les plus beaux villages de France. C’est un ancien port de commerce sur la Garonne.

Nous trouvons une coquille St Jacques à racheter à Axel car la sienne s’est cassée en cours de route.

Une brocante anime la place.

Alors que nous regardons des gravures d’anciennes écoles primaires relatant des faits historiques, le commerçant vient interroger les enfants et les commenter avec eux.

Même s’ils ont manqué les 2 derniers jours d’école, ils ont l’occasion de faire quelques révisions !

Puis, ils jouent dans la magnifique halle au grain.

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Enfin, nous allons visiter l’église.

Tous les trois croient qu’il existe autre chose après la mort.

Chacun se construit une intention dans sa tête et nous brûlons un cierge en souhaitant sa réalisation.

Agréable petit moment de calme et de recueillement.

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La soirée qui s’en suit, au gîte est déjantée !

Jusqu’à ce que l’on vienne frapper à notre porte, pour nous rappeler à l’ordre.

Aussitôt, nous cessons la foire et nous endormons paisiblement.

Lundi 5 juillet 21 : – nous ferons 13 kmde Auvillar à Lectoure – 32,5 km

Nous avons décidé (surtout les garçons) de nous lever tôt, à 6h ½ – départ 7h ¼ et de déjeuner en cours de route. Nous ferons cette pause 4km plus loin, près d’un ancien moulin.

A la sortie d’Auvillar, une habitante nous explique qu’un artiste s’est inspiré de tous les dessins des enfants représentant leur ville, pour peindre une fresque sur le mur de l’école.

Nous y voyons représenté les pèlerins, munis de leur coquille et de leur crédential.

 

 

Des sculptures de pèlerins sont également disséminées dans le village, en hauteur, sur les façades de maisons ou de monuments

Tout au long de la semaine, nous longerons de nombreux champs de blé.

Et chacun de récolter quelques épis, de les frotter entre ses mains, de souffler pour éliminer l’ivraie et extraire ainsi les grains pour les mâcher.

C’est à celui qui réussira à obtenir une pâte qui fait penser à du chewing-gum

Nous rencontrons Brigitte qui marche aussi chaque année avec son petit fils qui a maintenant 12 ans.

A midi nous mangeons notre salade composée, sur un lieu aménagé par les habitants du coin, qui ont déposé des sachets d’abricots, de prunes et des parts de clafoutis pour 1€ chacun. Nous en profitons. Je trouve ce système de vente dans la confiance mutuelle très agréable.

Pour Louise, c’est laborieux, il fait très chaud. Elle nous jure par tous les diables qu’elle ne reviendra pas l’année prochaine.

Je lui réponds que j’aimerais qu’elle revienne mais que c’est elle qui décidera, nous respecterons son choix. Pourquoi tu aimerais que je revienne, demande-t-elle ? parce qu’on t’aime. La réponse l’apaise.

Je compose entre le nombre de km réalisable par le plus faible de l’équipe, les lieux de gîtes et de ravitaillement en nourriture pour établir la feuille de route. Sachant que nous nous réservons un joker : celui de faire du stop.

Mais, comme aime à le préciser Axel : il n’y a qu’un joker pour la semaine ! (Il ne s’agit pas de faire du stop tous les jours !).

A Flamarens, nous faisons du stop. Une voiture s’arrête de suite. Chacun nos sacs sur les genoux nous voici embarqués jusqu’à Miradoux, par un monsieur très sympa, passionné de cuisine. Il nous dit être passé à la télé en compagnie d’un grand cuisinier.

Mais à Miradoux, nous avons du mal à trouver un autre véhicule pour Lectoure. Peu de voitures passent sur cette route et nous sommes 4 avec nos sacs à dos.

Je repère un véhicule qui passe plusieurs fois devant nous en nous examinant.

Comme il va se garer, je me dirige vers lui et lui demande s’il peut, moyennant finance, nous emmener à Lectoure. Le montant de 10€ lui convient.

Les enfants montent à l’arrière du Partner, sans sièges. Ils s’assoient tous les 3 à même le plancher, moi à l’avant, et c’est parti pour l’aventure. Comme avec le conducteur précédent nous discutons durant les 15 km, avec cet agriculteur de la commune.

Au gîte, Paula et Alfredo nous accueillent avec le traditionnel sirop, très apprécié de tous. Alfredo est né à St Jacques de Compostelle et il a rencontré Paula en marche sur les chemins. Je leur raconte notre rencontre avec Hélios qui a des points de ressemblance avec la leur.

Le séchage du linge à l’intérieur du gîte nous semblant peu probable, nous optons pour les lave-linge et sèche-linge.

Puis douches, petite balade jusqu’à l’église, coup de téléphone aux parents comme chaque soir pour leur donner des nouvelles.

Clément a perdu une chaussette. Pourtant, c’est sûr, il est arrivé avec. Nous avons beau chercher partout, impossible de la retrouver.

Nous en parlons à nos hébergeurs. Alfredo la retrouve coincée dans le sèche-linge que nous avons pourtant vérifié plusieurs fois chacun.

Étant donné que nous emportons un minimum dans nos sacs à dos, tout est nécessaire et avant de quitter un gîte nous regardons partout, sous les lits…

Ce soir, Nicole, une personne d’environ mon âge partage notre chambrée, très discrètement.

Aussi, au petit matin, nous faisons de même pour la laisser dormir.

Mardi 6 juillet 21 : de Lectoure à La Romieu – 19 km

C’est notre étape la plus longue. Louise nous assure qu’elle ne pourra jamais y arriver.

Aussi, une bonne glace est promise à l’arrivée. Axel lui garantit que je respecte mes engagements.

Clément, notre bon Saint Bernard, lui propose de s’accrocher à une lanière de son sac et il tire

Toutefois, quand elle en profite pour le fouetter, Clément lui rappelle que l’esclavage est aboli

Axel pousse Louise par derrière et cette façon d’avancer à trois est dénommé « la formation carrosse ».

 

En route, nous rencontrons Achille, un jeune au physique taillé à la hache, qui sera bientôt guide de haute montagne. Il marche à pied depuis Grenoble.

 

Puis, Franck, Martiniquais, marche un long moment à nos côtés.

Il décide de faire faire des révisions aux enfants : il pose des questions sur les capitales des pays, les fleuves et rivières, les familles d’animaux…Les enfants sont très participatifs et en redemandent.

A l’église de Marsolan, il leur fait un cours d’éducation religieuse, leur explique pourquoi Jésus est mort sur la croix…

Franck va à St Jacques de Compostelle avec un tout petit sac. Il nous dit qu’il compte sur la providence pour lui fournir ce dont il aura besoin.

Nous repérons un tilleul grandiose pour nous abriter d’une petite pluie durant notre repas de midi.

Les chiens de la propriété en face aboient beaucoup.

La dame nous demande de ne pas laisser de papier.
Évidemment ! Comme si c’était notre genre !
Même quand nous allons faire nos besoins dans la nature, nous avons un sachet pour ramener le papier toilette.

Le lieu est magnifique mais ça sent la m….. Quand finalement Axel s’aperçoit qu’il a posé la main dessus !

Exclamations de dégoût, les mouchoirs papier et l’eau sont de service.

Cette dame aurait pu nous prévenir que nous étions dans les WC de ses chiens !

Dans l’après-midi, Louise a mal au ventre, à l’épaule et sous un pied. Elle s’allonge par terre.

Axel aussi a mal sous un pied.

Quant à moi, j’ai le bas du dos douloureux.

Il n’y a que Clément qui n’a mal nulle part et qui nous nargue en courant d’avant en arrière. « Il s’entraine », dit-il.

N’empêche que le soir, il faut aussi lui soigner quelques ampoules naissantes.

Nous arrivons enfin à La Romieu, qui tire son nom du gascon «Roumiou», qui signifie «pèlerin».

La collégiale Saint-Pierre est classé au Patrimoine Mondial par l’UNESCO, et le village appartient aux plus beaux villages de France. L’arrivée par les jardins est magnifique.

Au gîte, nous retrouvons Nicole avec qui nous avons partagé la chambre la veille. Elle est très inquiète, car il y a un pèlerin de plus que le nombre de lit !

L’un de nous, Néerlandais, décide de laisser sa place en poussant jusqu’à Condom, à 14 km de là. Merci à lui, car nous sommes vannés et mesurons pleinement l’effort à fournir.

Bien sûr, je tiens parole et nous nous retrouvons, sur la place entourée d’arcades, typique de la région, attablés devant une belle glace avec beaucoup de chantilly.

Nous retrouvons Franck qui constate que Louise n’a plus mal au ventre pour manger la glace !

Laurent passe au gîte vers 18h pour tamponner nos crédentials et recevoir le règlement de nos nuitées. S’ensuit de longues discussions entre nous, et avec Didier et Nicole qui seront dans notre dortoir.

Laurent s’occupe aussi d’autres gîtes pour les touristes. A la question : y a-t-il une différence ? Oh oui ! les pèlerins sont toujours contents, alors qu’il manque toujours quelque chose aux touristes, malgré un bien plus grand confort !

Mercredi 7 juillet 21 : de La Romieu à Condom – 14 km

Nous avons décidé de nous lever à 6h.

Nous sommes maintenant affûtés. Nous arrivons à nous lever et nous préparer en silence, nous aidant mutuellement à plier nos draps de sac et nos couvertures, sans réveiller Nicole et Didier. Ils nous en féliciteront plus tard.

En route nous découvrons une petite table ronde et 2 chaises au bord du chemin.

Nous en profitons pour prendre là notre petit déjeuner, installation bienvenue car le sol est très mouillé.

Merci.

Le terrain est boueux, la boue se colle aux chaussures et de plus nous subissons une attaque en règles de moustiques.

Mais il en faut plus pour affecter le moral des troupes.

Une belle halte à la chapelle romane Sainte Germaine, aussi inscrite aux monuments historiques nous repose. Là encore nous brûlons des cierges

Nous marchons au cœur du vignoble Armagnac-Gascogne. Nous avançons joyeusement. Nous avons fait le choix d’acheter à manger à l’arrivée à Condom, pour éviter le portage. Notre gîte ouvre à 15h.

Nous entrons dans la ville à 12h 30 et dans la première boulangerie qui se présente pour acheter du pain. Je me ravise. Ils vendent aussi de belles pizzas à consommer sur place. Nous nous installons. Elles nous rassasient.

Je présente nos excuses pour la boue que nous avons apportée dans le magasin. Il n’y a pas de problème, ils aiment les pèlerins.

Je demande où se trouve la piscine. Il faut compter 20 mn à pied. Je me questionne : vont-ils nous accepter avec nos sacs à dos ? Contre toute attente, la boulangère nous propose de garder nos sacs et nos chaussures dans leur placard ! C’est une aubaine. Aussi, nous repartons libérés, tout léger pour la piscine. Merci infiniment.

Le stade aqualudique comporte de nombreux toboggans. Les 3 cousins s’en donnent à cœur joie. Clément apprend à plonger à Louise, elle y arrive très bien. Je suis impressionnée par leur énergie, après 14 km de marche. Moi-même, je prends beaucoup de plaisir à nager.

A cause des mesures Covid, les vestiaires ne sont pas ouverts, nous nous changeons dans les toilettes et emmenons nos affaires sur le gazon. Bizarre !

Au retour à la boulangerie, nous prenons notre goûter.

Le ciel est très chargé de nuages menaçants et nous arrivons à notre gîte sous une pluie battante.

Franck et son fils Yohan sont très accueillants.

Nous avons une grande chambre pour nous quatre avec salle de bain et toilettes privées.

Avec Axel, toujours partant, nous allons faire les courses. Au retour nous nous trompons de chemin et rallongeons ainsi notre temps sous la pluie !

Nous mangeons à la même table que nos hôtes. Franck a ouvert son gîte juste avant la Covid, il est très impacté par la situation économique.

Jeudi 8 juillet 21 : de Condom à Montréal – 17 km

Lever 7h. Nous avons décidé, étant donné le terrain mouillé, de déjeuner au gîte avant de partir. Les quantités sont un peu juste pour ces voraces. Nous ferons mieux demain.

Toute la journée, je me traine une troupe de guenilles !

Clément qui a égaré son bâton, s’en fabrique un autre, toujours en bambou et fouette tous azimuts.

Depuis 6 ans que nous partons ensemble, il agite son bâton dans tous les sens durant le trajet, fauche les bas-côté… bref il faut faire attention de ne pas se prendre un coup au passage. En tout cas il pourrait intégrer une troupe de majorette !

Au concours de « louchage », Louise est gagnante !

Nous faisons un petit détour du chemin qui en vaut la peine, pour aller visiter Larressingle, le plus petit village fortifié et aussi classé plus beau village de France.

Son château gascon médiéval dresse ses remparts au milieu du vignoble d’Armagnac.

Dans l’église, où nous sommes seuls, nous chantons Ultreïa à pleine voix. C’est le chant des pèlerins. Il exprime l’idée dynamique d’aller courageusement vers un au-delà, de se dépasser.

Avec cette belle acoustique, nous nous prenons pour de grands chanteurs !

C’est le chant préféré de Louise cette année. L’an dernier c’était : « promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas ». Et oui, Louise a évolué.

D’ailleurs on chante beaucoup aujourd’hui. Une autre chanson est au hit-parade cette année : « Santiano » d’Hugues Aufray amené par Clément et Axel que nous chantons tous à tue-tête, en remplaçant Santiano par Santiago (St Jacques en espagnol) ainsi que des textes de Rap auxquels, par contre, je ne suis pas sûre de pouvoir m’habituer.

Le temps est frais, nous avons un peu de pluie en chemin.

Après avoir pu marcher 19 km, Louise s’aguerrit et marche plus volontairement. J’aimerais lui communiquer ce goût de l’effort si nécessaire dans la vie. Pour les deux garçons, c’est acquis.

Nous sommes les seuls pèlerins à notre gîte, ce soir : « la halte du rempart ». Un refuge confortable où nous sommes très bien accueillis. Cependant, bizarrement les couvertures ne sont pas fournies.

A l’église, un paroissien nous explique longuement l’histoire de la commune, de l’église.

Axel me fait remarquer que nous entrons dans toutes les églises rencontrées.

En effet, avec mon père aussi nous faisions ainsi.

Alors, à mon tour de transmettre ce goût pour ces beaux monuments qui nous élèvent.

Après concertation sur les envies de chacun, toujours avec Axel, nous faisons les courses.

A l’épicerie, nous demandons s’ils ont de petits carrés de beurre. Non. On nous propose la demi-plaquette, ce qui est encore trop pour nous. Alors l’épicière coupe la ½ plaquette en 2 et garde l’autre partie pour elle-même.

Ces attentions nous touchent beaucoup. Nous trouvons les gens particulièrement gentils avec nous.

Nous avons oublié d’acheter des céréales pour le petit déjeuner. Axel se propose de suite pour retourner à l’épicerie, il repart avec le porte-monnaie. Il juge que la boite de céréales sera trop grande pour nous, aussi il opte pour des biscuits. Bravo Axel. Il a beaucoup de jugeote ce petit.

Ce soir au repas : tomate/mozzarella, steak de la boucherie particulièrement tendre, riz. Je pensais que la moitié du paquet nous suffirait, mais je fais une deuxième cuisson et nous finissons le paquet. Pastèque et orange pour le dessert.

Après ce bon repas, les enfants font la vaisselle et nettoient la cuisine.

Vendredi 9 juillet 21 : de Montréal à Eauze – 17 km

Au réveil, nous découvrons Louise bien embêtée. Sans couverture elle a eu froid, ce qui lui a provoqué un pipi au lit. Ainsi mouillée, elle a eu encore plus froid et a mal dormi. Nous sommes en compassion avec elle. Nous avons d’ailleurs tous eu froid.

Cependant, nous repartons tous gaiment après un copieux petit-déjeuner.

Les flatulences du matin font beaucoup rires.

Les « gros -vilains mots » aussi, que je dis ne pas vouloir entendre. Quand il m’arrive malencontreusement d’en prononcer, tout le monde s’esclaffe. Aussi, je dois surveiller mon vocabulaire !

Avec Louise, tous les matins nous collons du sparadrap sur les endroits sensibles de nos pieds pour éviter les ampoules.

Nous avons repéré sur le guide, le village de Lamotte à 10 km, qui nous permettra de faire nos courses pour le repas de midi et ainsi nous éviter le portage.

En route nous faisons une pose « botte de foin », toujours très amusante. Chacun la sienne :

Clément grimpe sur son mammouth.

Louise s’imagine sur sa jument.

Et Axel sur son taureau.

En poussant de toutes leurs forces, ils arrivent même à les faire rouler dans le champ.

Il y a beaucoup moins de pèlerins sur le chemin cette année. L’avantage est de pouvoir laisser les enfants rire, crier, hurler tout leur saoul.

Aucune chamaillerie entre eux. Quelques bouderies parfois de la part de Louise. Quand son rythme est trop lent, je m’impatiente et elle est fâchée. On l’aide à avancer en lui tenant les mains de chaque côté, mais elle ne veut pas toujours. C’est vrai que c’est une épreuve physique considérable.

D’ailleurs ces 10 km nous semblent très long. Je rêve de trouver l’épicerie à la sortie du bois. Et c’est ce qu’il se produit et même encore mieux !

Soudain, une petite buvette apparait.

Une dame s’avance vers nous. Je lui demande où se trouve l’épicerie. Elle me répond : en fait c’est moi. De quoi avez-vous besoin ? de pain, de sardines, de fromage. J’ai cela et je peux vous proposer un melon pour le dessert.

Parfait. Nous avons des tomates dans notre sac pour l’entrée. Nous voici attablés et en bonne compagnie pour notre casse-croute.

Il y a des chiens. Les animaux attirent toujours autant l’attention de Louise. Les gens s’intéressent à nous. D’où nous venons, jusqu’où… On nous renvoie souvent que nous avons de la chance de faire ce parcours ensemble, qu’il en restera beaucoup de souvenirs.

J’ai conscience de cette chance. Ce n’est jamais gagné, chaque année est un nouveau défi.

Nous voici rassérénés pour reprendre le chemin de cette dernière étape.

Nous avons fixé une heure approximative d’arrivée à Hélios.

Nous avons une heure de retard, il vient à pied à notre rencontre, nous retrouvent en pleine forme en train de chanter à tue-tête.

Dans la voiture, le calme revient et on s’endort.

Nous faisons une petite halte pour faire les courses car les enfants ont commandé un aligot / saucisse + glaces à Hélios pour le repas du soir.

De retour, nous faisons une grosse lessive pour que les enfants repartent le lendemain avec leurs vêtements propres.

Samedi 10 juillet 21 : de Toulouse à Claix – 539 km

Nous accompagnons tous Louise, en bas de l’immeuble à 7h. Son papa, Lionel vient la chercher, ils partent en direction de La Baule.

Clément, Axel et moi-même nous préparons aussi pour partir en direction de Claix (Isère). La journée sera longue, les routes très chargées de circulation. Nous arriverons à bon port après 8h de route.

La tête chargée de bons souvenirs, nous pensons déjà aux années suivantes. Quand arriverons-nous à la frontière espagnole ? En consultant le guide, nous calculons que nous devrions y arriver dans 2 ans.

Cette année 2021 est une année jacquaire. Lorsque la fête de la Saint Jacques (le 25 juillet) tombe un dimanche, l’année est dite jacquaire, ou jubilaire de Saint Jacques.

Ma belle-sœur Jocelyne et grande-tante de mes petits-enfants est aussi sur les chemins cette année.

Elle est partie pour 1 800 km, fin mai, de chez elle, Saint-Lattier en Isère et est en Espagne pendant que nous marchons.

Nous pensons à elle et échangeons quelques messages. Elle pense arriver début août à Santiago.

Avec Hélios, nous sommes allés la voir une demi-journée lorsqu’elle passait à Barcelone du Gers et avons partagé la soirée et le petit déjeuner avec les pèlerins.

Elle n’en revenait pas du sentiment de liberté ressenti dans ce périple. « Il faut l’avoir vécu pour savoir » dit-elle.

Un projet m’anime particulièrement. En septembre, si rien ne vient l’empêcher, par l’intermédiaire d’une association, je vais accompagner un adolescent de l’Aide Sociale à l’Enfance à marcher de Burgos à Santiago, soit 500 km, durant environ 1 mois.

Je ne sais rien de lui (ou d’elle) ni lui (ou elle) de moi. Je vais l’aider à réaliser ce séjour de rupture.

Je suis profondément persuadée que ce chemin, thérapeutique en lui-même, peut apporter beaucoup et j’ai envie de le faire découvrir.

Une caractéristique profonde du chemin de Compostelle est que tout le monde y retourne.

On ne retourne pas à St jacques de Compostelle, on retourne sur le chemin.

Nous sommes tous des pèlerins redoublants.

L’essence du pèlerin est de redoubler.

On a laissé quelque chose en chemin, on veut aller le rechercher. Quoi ? Ce n’est pas très clair, mais c’est impérieux.

Une sorte de vérité entrevue et qui s’est effacée avec le retour. Une façon de vivre aussi. Les deux sont liés.

Quand on arrive, on n’en a pas terminé avec cette histoire.

Tiré du livre de Alix de Saint-André : « en avant, route ! »